Je ne pensais pas qu’un jour, un nouvel arrivant dans ma vie
me changerait.
Je ne pensais pas qu’il était possible de subir une brutale
transformation intérieure, sans même l’avoir commandée, espérée, attendue,
envisagée…
Je ne pensais pas qu’en une fraction de seconde ma vie
pouvait être à ce point bouleversée et que soudain, je devenais une autre tout
en étant toujours un peu la même.
Mais je ne suis plus la même. Je suis une autre et la même à
la fois.
Et chaque fois que j’y pense, « mon rêve familier »
de Verlaine me revient.
Je suis maman.
J’ai un enfant.
Et ces deux phrases représentent
tout ce que je suis de nouveau et qui ne sont pas celle que j’ai été avant de croiser le regard de celui que j’appelle mon fils.
Je ne sais pas vous, mais je sais moi, que de le voir lui,
ça a eu l’effet d’un électro choque.
Personne, avant, ne m’a prévenue. Ou peut être si. Mais je n’ai
rien entendu.
Depuis qu’il est sorti de mon ventre, qu’il a croisé mon
regard, je sais.
Depuis, je comprends qu’avant ça, oui, les autres mamans avaient
raison : je ne pouvais pas comprendre.
Je ne pouvais, même avec toute l’empathie du monde,
comprendre une fraction de ce que ressent une maman pour son enfant.
Et avec l’arrivée de mon enfant, j’ai compris soudain tout
le chagrin, toute la douleur qu’en tant qu’enfant j’ai pu donner à ma propre
mère.
Et je regrette mon insouciance d’enfant qui ne peut pas
savoir, imaginer un instant l’importance de ce lien qui unit la mère à son
enfant, à ses enfants.
J’ai beau me dire que la force de ce lien, de cette émotion
qui me tient les tripes, ce n’est rien d’autre qu’un instinct animal. Ca ne
change rien au fait que 1) je ne pourrais rien y faire, 2) que j’aime ça.
C’est un coup de foudre foudroyant qui me réduit à l’esclavage
d’amour pour lui et qui, sur son passage, pourrait tout détruire.
Je ne suis plus tout à fait la même.
J’aime encore la poésie, les voyages, la cuisine. Je déteste
toujours autant faire le ménage, être enfermée dans la routine et la maison.
Mais renoncer à voyager, à écrire pour rester prêt de lui,
prendre soin de lui, faire ses lessives et le ménage, ne ressemble plus à un
renoncement.
Ce n’est pas une abnégation, je sais que ce n’est qu’une
question de temps. Aujourd’hui, je suis tout pour lui : son réservoir de
lait, d’amour, de chaleur, de tendresse, de réconfort.
Bientôt il sera fort de tout cet amour emmagasiné et il
pourra faire sa sieste sans avoir besoin de sentir ma présence, il pourra
jouer, dans une pièce différente de celle où je suis, et je pourrais prendre ma
douche sans avoir peur qu’il passe sous le rideau et se retrouve trempé, je
pourrais cuisiner sans avoir besoin de vérifier sur quelle étagère il fouille
et quel nouvel ustensile il essaie de transformer en jouait.
Trop vite, il grandira, et après avoir profité de mes
soirées sport ou ciné, je ne trouverai plus le sommeil parce qu’il ne sera pas
encore rentré de sa sortie avec ses amis.
Et cette fois, c’est à Jobin que je pense avec « eu sei
que vou te amar ».
Oui, je sais que je vais l’aimer, désespérément, je vais l’aimer,
pour toute ma vie je vais l’aimer.
Et aucun amour n’aurait pu me transformer comme celui là.
Alors oui, je suis différente.
Je rêve toujours de voyages au bout du monde, de montagnes à
gravir, mais le bien être et la sécurité de mon enfant passent avant, et son
besoin de moi, passe avant mes besoin de vous…
Alors, pardonnez moi mes amis de ne plus écrire, de ne plus
appeler, de ne plus sortir… de ne plus rien prévoir, de disparaître des réseaux
sociaux, du monde virtuel, et même parfois du monde réel…
Je ne suis plus tout à fait la même, je n’ai plus tout à
fait la même vie, je n’ai plus tout à fait les même priorités.
Mais je suis toujours vraiment la même. Enrichie d’un amour
foudroyant, dévastateur, envahissant.
Pardon Doudou de ne plus être la même, le choc le plus
violent, c’est toi qui le prend.
Je suis heureuse et triste pour
toi, pour nous. Heureuse d’avoir cette expérience magnifique à partager
ensemble. Triste de ce sentiment qu’en tant qu’homme, en tant que père, tu ne puisses jamais effleurer du doigt ce que
je ressens. Cet amour si puissant qu’il en devient une douleur physique. Un amour si violent par la place
démesurée qu’il prend dans mon cœur et dans ma vie.
Mais je ne t’en veux pas. Je regrette
juste que la nature, si bien faite, donne un instinct si fort à la mère et
tellement moins évident au père….
Et avec les petites épreuves qu’on
a déjà du traverser depuis qu’il est arrivé, avec la nouvelle place de l’homme
dans la famille, dans la vie sociale où les femmes n’attendent pas qu’un
soutien matériel de leur partenaire, je suis triste qu’on ne soit pas à égalité
dans nos sentiments vis-à-vis de cette nouvelle vie, parce que dans les
épreuves, je ne veux pas penser : tu ne peux pas comprendre, tu n’es pas
une mère… mais j’aimerai savoir ce que ressent vraiment un père et j’aimerai
tellement que ce soit aussi fort que ce que ressent la mère… et parfois, ça l’est….
Et parfois, les mères ne ressentent pas tout ce que je ressens….
Parfois, elles ne sont pas
transformées….
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