Le temps

Celui après lequel on court toujours, souvent.
Inconstant que l'on trouve trop lent, trop long, trop rapide.
Il est toujours tout à fait le même en étant un peu différent comme cet amant que l'on rêve et qui pourtant dort contre nous.
Il défroisse le visage des nouveaux nés, allonge les jambes des touts petits, ride le visage des fruits mûrs et blanchit les cheveux de nos aïeux.
Il est le même et un autre et fait de nous même des autres qu'on dévisage, qu'on oublie, qu'on remémore.
On le tue quand il nous ennuie pour lui courir après s'il nous presse. On se languit dans sa lenteur, puis on s'afflige de la vitesse avec laquelle il nous presse comme un fruit mûr dont il faut boire le jus avant de jeter l'écorce vide dans le gouffre de l'oubli.
Sur les corps et sur les roches, il se lit aux rides qu'il laisse derrière lui. Certains disent que c'est le travail du soleil et du vent, mais sans le temps, tous sont impuissants à transformer l'œuf en poule, la roche en sable, l'amour en haine, le fait en coutume.
Même quand on le tue, il survit et continue sa route, négligeant son impact sur les vies qui se répandent sur ce sol où il passe oublié de tous un instant, avant de devenir la préoccupations de chacun.
Précieux qu'on ne peut remplacer ni arrêter, sans lui point de souvenir, point d'avenir, point d'histoire.
Constant dans l'inconstance, on lui attribue des vertus alors qu'il n'est rien en étant tout.
Il est le vide et l'essentiel, on lui donne le nom de temps et à ce mot on laisse plusieurs définitions.
Pourtant celui dont je vous parle, n'est que notion, abstraction que l'on tente de dompter en le comptant en jours, en année, que l'on tente d'enfermer dans le cadran de nos horloges mais qui poursuit toujours son chemin, même après l'extinction de tous les compteurs et de tous les hommes.